Rafraîchir la tech au Togo : nouvelles voix, nouveaux formats, nouvelle vision

Depuis plusieurs années, le Togo connaît une prolifération d'événements tech : hackathons, panels, conférences, bootcamps... Une effervescence apparente qui masque une réalité plus nuancée. Pour un nombre croissant d'acteurs, un sentiment de fatigue s'installe, non pas par manque d'intérêt, mais à cause d'une répétition lassante. Les mêmes formats, les mêmes intervenants, les mêmes discours se succèdent, produisant souvent un faible impact réel, une inclusion limitée des nouvelles voix et un manque criant d'innovation dans les formats.

Le Togo regorge de potentiel, mais pour le libérer, sa scène tech a besoin d'être profondément repensée. Elle doit devenir plus ouverte, plus dynamique et plus représentative.

Un Écosystème Qui Tourne en Rond

De nombreux jeunes développeurs, designers, étudiants en cybersécurité et entrepreneurs émergents partagent le même constat : les événements tech traditionnels ne leur apportent plus grand-chose. Ils peuvent anticiper la liste des intervenants, les thématiques et même le contenu des présentations avant même d'y assister.

Les panels se ressemblent, avec des intitulés génériques comme "Le numérique, levier de croissance" ou "La transformation digitale de l’Afrique". Bien que ces sujets soient importants, ils sont souvent traités de manière vague, répétitive et déconnectée des réalités opérationnelles. À cela s'ajoute une visibilité quasi exclusive accordée à un cercle restreint d'intervenants, parfois éloignés des réalités techniques ou plus institutionnels que praticiens. Cette répétition constante finit par démotiver les jeunes, qui ne se sentent ni représentés ni entendus.

S'Inspirer des Voisins Anglophones

Dans des pays anglophones comme le Nigeria, le Kenya, le Ghana ou l'Afrique du Sud, la dynamique des événements tech est bien différente. Ils misent sur la diversité des formats, l'inclusion de profils variés et une forte implication des communautés tech locales.

À Lagos, Techpoint Build attire des milliers de participants avec des sessions très concrètes : pitchs de startups, retours d'expérience de jeunes fondateurs, ateliers pratiques sur le cloud, la cybersécurité ou le no-code. À Nairobi, la Nairobi Tech Week propose des hackathons, des tables rondes critiques et des bootcamps animés par des développeurs et ingénieurs de terrain. À Accra, des événements comme Hacklab mettent en lumière les talents techniques et les projets à fort impact local. Ces initiatives ont un point commun : elles ne s'articulent pas autour d'une élite figée. Elles évoluent, écoutent et osent innover.

La Nécessité d'une Refonte au Togo

Le problème au Togo n'est pas l'absence d'initiatives, mais le manque de renouvellement. Pour sortir de cette dynamique circulaire, plusieurs leviers doivent être activés :

  • De nouvelles voix : Il est urgent de donner la parole à des profils différents. Les panels doivent inclure davantage de jeunes, de femmes, d'autodidactes, de développeurs "de l'ombre", de chercheurs et de startuppers émergents. La diversité — générationnelle, technique et sociale — est une richesse inestimable.

  • De nouveaux formats : Les événements doivent dépasser les simples discours. Il faut proposer des ateliers interactifs, des démonstrations en direct, des débats contradictoires, des hackathons ouverts, des simulations de crise, des concours de cybersécurité ou des challenges produits. Ces formats dynamiseront les rencontres et créeront plus de valeur pour les participants.

  • Une nouvelle vision : L'objectif d'un événement tech ne devrait pas être de remplir un agenda ou de se montrer, mais de produire un impact concret : révéler des talents, initier des collaborations, lancer des projets tangibles et former de nouveaux profils. Il faut sortir des logiques de prestige pour entrer dans une logique de construction, en s'ouvrant aux communautés locales, aux écoles, aux jeunes collectifs et aux régions en dehors de Lomé.

Un Appel à l'Action, Pas une Accusation

Ce texte n'est pas une critique envers les organisateurs ou les institutions existantes, mais un appel. Un appel à toutes celles et tous ceux qui croient en la tech comme un vecteur d'émancipation, de transformation et d'espoir. Un appel à oser le renouveau, à ouvrir les scènes, à renouveler les formats et à écouter ceux qui n'ont pas encore été invités.

Ceux qui bâtissent la tech au quotidien — dans leurs quartiers, sur leurs claviers, dans leurs centres de formation ou à travers leurs projets personnels — méritent une place de choix dans les discussions, sous les projecteurs et dans les décisions.

Conclusion

Rafraîchir la tech au Togo ne signifie pas rejeter ce qui a été fait, mais construire différemment. Avec audace, avec sens et avec l'envie sincère de faire progresser un écosystème qui en a désespérément besoin. Nous avons les talents, nous avons les idées. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est le courage d'ouvrir les fenêtres et de laisser entrer un vent nouveau.

Comment pensez-vous que les organisateurs d'événements tech au Togo pourraient concrètement commencer à intégrer ces nouvelles approches dès maintenant ?

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Sambiani Rolle-Gniimpale TINDJIETE
Sambiani Rolle-Gniimpale TINDJIETE

Rolle TINDJIETE est un professionnel en cybersécurité, spécialisé en Gouvernance, Risques et Conformité (GRC), avec une expertise en audit, sécurité défensive, test d’intrusion, et en déploiement de solutions open source. Il est également le fondateur de BinarySec Academy, une EdTech panafricaine qui démocratise l'accès aux compétences numériques à travers des formations inclusives, axées sur le "learning by doing", le peer learning, et l'employabilité. Actif dans la promotion des talents africains, il milite pour l'inclusion des jeunes et des femmes dans les métiers du numérique. Rolle a conçu des outils d’évaluation de la maturité cybersécurité, a déployé des environnements virtualisés (GNS3, Docker, etc.) et conduit des projets en sensibilisation, blue team, et mentoring. Avec BinarySec Academy et BinarySec Solutions, il œuvre à la fois dans la formation, le conseil, et le développement de services tech accessibles aux ONG, startups et entreprises africaines. Il s’intéresse aussi à la communication numérique, au développement de communautés, et à l’impact des technologies sur l’éducation et l’innovation sociale.